Fédération FO de la Métallurgie

L’efficacité réformiste

Dossier/Evénement

Pourquoi il faut combattre la réforme des retraites ?

Une fois de plus, le gouvernement s’en prend à notre système de retraites, sous couvert de « réforme ». En 2019, notre organisation était parvenue à repousser le projet du président de la République. Pour 2023, c’est un texte tout aussi inutile et injustifié qu’il faut mettre en échec en se mobilisant. 7 Français sur 10 y sont opposés, et ce sont eux qui auraient tort ? Non ! FO Métaux tord le cou à 10 arguments fallacieux qui appuient cette réforme dont le gouvernement a fait une croisade. 

1 - Travailler plus pour sauver le système de retraites : faux !

2 - Allonger la durée de cotisation et reculer l’âge de départ sont les seules solutions : non !

3 - La durée de vie augmente, le travail doit faire de même : faux !

4 - La pénibilité sera prise en compte : non!

5 - Les Français ont voté pour cette réforme : non !

6 - Des mesures seront prises pour favoriser l’emploi des seniors : faux !

7 - La réforme favorise les petites retraites : non !

8 - Cette réforme a été négociée avec les partenaires sociaux : faux !

9 - Les retraités français sont des privilégiés : non !

10 - D'une réforme à l'autre

Travailler plus pour sauver le système de retraites : faux !

C’est le principal argument présenté par le gouvernement en faveur de sa réforme, alors pourtant que le système des retraites affiche un excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive (900 millions d’euros en 2021 et 3,2 milliards en 2022). Pourtant, en 2019, le motif avancé pour tenter d’instaurer une retraite par points n’était pas celui de la finance mais de l’équité entre les salariés (seul le régime spécial de la police échappait à l’uniformisation). Plus récemment, il s’agissait moins de sauver le système de ses déficits que de pouvoir financer d’autres dépenses publiques ; « l’école, la santé, le climat » hasardaient alors les promoteurs de la réforme, qui n’était que le moyen de dégager des ressources pour financer des politiques publiques qui, sinon, devraient l’être par l’impôt, par essence impopulaire. A présent, c’est donc de la survie des retraites qu’il serait question.

Pourtant, le dernier rapport du Comité d’Orientation des Retraites présente 4 scenarii possibles de trajectoires budgétaires pour notre régime de retraite, et un seul présente de forts déficits, sans qu’il y ait péril en la demeure. Daté de septembre, il affirme (écrit en toutes lettres en page 9) que “Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite”. C’est donc l’organisme créé dans les années 2000 et utilisé pour donner une caution scientifique aux réformes successives le dit : la seule justification de cette réforme est politique et idéologique, certainement pas financière. Ce genre de projections comporte de plus des limites importantes puisqu’elles ne tiennent pas compte d’éventuels changements systémiques forts comme ceux liés à la crise climatique ou à un changement de système économique, dont on ne peut pas connaître l’impact sur l’équilibre du régime.

A en croire la Première ministre, si rien n’est fait, ce sont plus de 100 milliards d'euros de dettes supplémentaires pour notre système de retraite dans les dix prochaines années. Comme l’explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO et membre du Conseil d'orientation des retraites, il n’y a rien de plus faux. « Je rappelle qu'il y a cinq ans, le COR voyait les années 2020, 2021, 2022 déficitaires, expliquait-il au Parisien en décembre dernier. Pas de chance les années 2020, 2021 2022 sont excédentaires et pas qu'un peu, de trois à quatre milliards (NDLR : alors quand la Première ministre argumente avec une prévision sur 10 ans, il y a de quoi être dubitatif). Ça veut dire que les projections que fait le COR peuvent se tromper. En fait, le déficit qui serait annoncé par le gouvernement entre 10 et 12 milliards par an, c'est 0,5 % du produit intérieur brut, et ce PIB français en 2021, c'est 2 500 milliards d'euros. Ça veut dire que c'est peanuts. » Surtout si l’on compare aux aides aux entreprises, c'est-à-dire 144 à 157 milliards en fonction de ce qu'on compte les exonérations ou pas, soit 9% du PIB. Le reste, c'est un choix de société et ce choix, FO ne peut pas le cautionner.

Dernier point, loin de contribuer à faire des économies, la réforme proposée gonflera la note pour les finances publiques. Selon l’édition 2022 du rapport de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sur les retraites et les retraités, la réforme va bel et bien peser sur les dépenses publiques. Retarder l’âge de départ en retraite de deux ans revient à leur ajouter une facture de 5 milliards d’euros : 1,3 milliard sur l’assurance chômage (pour les seniors qui ne partent pas en retraite mais restent sans emploi) et 3,6 milliards pour les prestations sociales, l’AAH (allocation adultes handicapés) et l’invalidité. Pour un départ en retraite à 65 ans, l’addition passe à 7,5 milliards d’euros…

Allonger la durée de cotisation et reculer l’âge de départ sont les seules solutions : non !

Le gouvernement feint de croire que les seules options viables pour « sauver les retraites » sont de relever l’âge de départ en retraite à 64 ans (contre 62 aujourd’hui), et d’accompagner la mesure d’âge d’un allongement de la durée de cotisation requise pour toucher sa retraite à taux plein de 42 à 43 ans dès 2027.

En réalité, d’autres solutions existent, comme la hausse des cotisations salariales et patronales. Augmenter les salaires, comme FO le demande, c’est augmenter mécaniquement le volume de cotisations. Le relèvement du pourcentage de cotisations payées constitue une autre piste prometteuse.

Ainsi, comme l’a par exemple montré l’enseignant-chercheur à l’Université Paris 1 (Centre d'Economie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po (LIEPP) Michael Zemmour, pour amener le système à l’équilibre d’ici 2027, il faudrait augmenter les cotisations de 0,8 point, ce qui représente 14€ par mois pour un salarié au SMIC. Pour discutable que soit le procédé, la facture resterait moins élevée pour les salariés que bien d’autres mesures qu’ils ont déjà financées. Enfin, le rétablissement de plusieurs cotisations patronales supprimées (et sans contreparties de la part des entreprises) permettrait redonner aux retraites l’oxygène financier dont elles ont volontairement été privées. Le rapport du COR de 2019 indiquait que, pour résorber l’éventuel déficit qui apparaîtrait en 2025, il faudrait simplement augmenter les cotisations d’un point sur cinq ans, soit de 0,2 point par an… C’est loin d’être insurmontable, mais cette solution semble complètement laissée de côté par le gouvernement !

Si déficit il y a, ce n’est pas parce que les dépenses sont « hors de contrôle » mais parce que les recettes diminuent, conséquence directe des choix politiques du gouvernement qui organisé l’asséchement des flux financiers. C’est la « politique des caisses vides », une autre idée anglo-saxonne, qui consiste à générer d’abord un déficit pour ensuite justifier politiquement une réforme impopulaire, au nom de la « bonne gestion ».

Elle a permis d’imposer la réforme de nombreux services publics, comme la Sécurité sociale dans son ensemble, mais aussi les hôpitaux ou la SNCF par exemple. C’est une politique de « chantage à la dette » qui permet de faire passer des réformes difficiles, comme l’explique clairement une note publiée en 2010 par le FMI (Fonds Monétaire International) : « Les pressions des marchés pourraient réussir là où les autres approches ont échoué.

Lorsqu’elles font face à des conditions insoutenables, les autorités nationales saisissent souvent l’occasion pour mettre en œuvre des réformes considérées comme difficiles, comme le montrent les exemples de la Grèce et de l’Espagne. » Enfin, il faut rappeler que même sans nouvelle réforme, du fait de celles de 2010 et 2014, l’âge moyen de départ en retraite atteindra 64 ans dès 2038.

1 – Aucune étude ne démontre que l’équilibre financier des retraites est menacé, même avec une augmentation de nombre de retraités.

2 – Les changements successifs de motifs avancés pour réformer font, au mieux, douter de la sincérité du projet.

3 – Le rééquilibrage peut passer par des mesures plus justes et plus efficaces, démontrant la vacuité de l’argument financier.

La durée de vie augmente, le travail doit faire de même : faux !

D‘abord, l’espérance de vie n’est pas en constante augmentation. Celle des Français stagne même depuis quelques années et, surtout, l’espérance de vie en bonne santé se révèle assez mauvaise comparée aux autres pays européens. Ensuite, l’espérance de vie n’est pas la même pour tout le monde, et c’est notamment à cause de leur travail que certaines catégories de la population vivent moins longtemps. Les ouvriers ont ainsi 6 ans d’espérance de vie de moins que les cadres. Certaines pratiques, comme le travail de nuit, qui s’est fortement développé depuis les années 1990, ont un impact notoire sur la durée de vie des personnes concernées. Les plus pauvres sont les plus touchés par la mortalité précoce. Selon le chercheur Alessio Motta, à 65 ans, un tiers des 5% les plus pauvres sont déjà décédés, contre 6% des 5% les plus riches. Plus on augmente l’âge de départ à la retraite, moins les pauvres peuvent y l’atteindre.

Les chiffres publiés par l’INSEE en 2018 montre que l’espérance de vie en bonne santé en France est de 64,1 ans pour les femmes et de 62,7 ans pour les hommes. Ces deux chiffres se situent juste au niveau de ou en-dessous de l’âge pivot voulu par le gouvernement : cela signifie qu’on a toutes les chances d’arriver à la retraite en mauvaise santé, et donc de ne pas pouvoir en profiter… Plus les conditions de travail sont difficiles, plus les salariés vieillissent mal, victimes d’incapacité à travailler à la suite de maladies professionnelles ou d’accidents du travail (La France détient le record européen en ce domaine) bien avant d’arriver au moment de la retraite.

S’ajoute le problème de l’emploi des seniors pour parvenir à un chiffre de la DRESS (organisme statistique rattaché au ministère de la santé), seules 58% des personnes arrivés à la retraite sont en situation d’emploi au moment d’y parvenir. Les autres sont en incapacité, au chômage ou, de plus en plus rarement, en préretraites. Pour compléter le tableau, les femmes sont plus pénalisées que les hommes. Elles sont 51% à avoir connu, après 49 ans, une trajectoire avec des années de non-emploi (chômage, maladies, absences etc.) et donc des droits à la retraite dégradés, contre 46% des hommes. Enfin, la question de la santé et de sa prise en charge ne doit pas être oubliée, pas plus que celle de la souffrance au travail. En 20 ans, entre extension des déserts médicaux et casse organisée de l’hôpital public, la qualité des soins a baissé, essentiellement pour les couches de la population les moins favorisées.

En tout, près du tiers des personnes qui arrivent à la retraite dans le système actuel sont susceptibles d’avoir des droits à la retraite moindres et de devoir travailler après 62 ans. Reporter le départ à 64 ans ou plus ne ferait qu’empirer la situation Encore plus de personnes n’y parviendront pas, et auront des retraites très dégradées. Et pas n’importe qui : les femmes plus que les hommes, les ouvriers et employés plus que les cadres. L’injustice est flagrante.

Seule la productivité augmente avec constance (depuis les années 1950 !). Face à l’urgence climatique et au changement de modèle de production et de consommation qu’elle appelle, il serait logique de profiter de cette donnée pour ralentir le rythme. Le retour de la retraite à 60 ans constitue une vraie solution pragmatique face aux enjeux actuels.

La pénibilité sera prise en compte : non !

Parce que certains métiers sont difficiles ou que ceux qui les exercent sont entrés tôt dans la vie active, les promoteurs des réformes des retraites assurent presque à chaque fois que la pénibilité sera prise en compte. Un coup d’œil sur les usines à gaz successivement bâties puis démantelées sur le sujet suffit à convaincre du manque de sérieux de la promesse.

Que dire, par exemple, des critères actuels, dont la définition les rend quasiment impossibles à atteindre pour les salariés concernés ? On peut ajouter que les quatre critères supprimés par le gouvernement en 2018 (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux risques chimiques) ne reviendront pas dans le nouveau dispositif, comme le demandait pourtant notre organisation.

Pour pouvoir partir plus tôt à la retraite, le salarié concerné par ces facteurs devrait passer une visite médicale afin de faire reconnaître par un médecin sa maladie professionnelle et un taux d'incapacité permanente dépassant les 10 %.

S'il n'a pas obtenu ces deux conditions, il n'est pas question pour lui de prendre une retraite anticipée. Plusieurs dizaines de milliers de salariés seraient concernés chaque année, et sans doute devront-ils patienter de longs mois avant un examen, vu le manque de médecins du travail actuel.

Les Français ont voté pour cette réforme : non !

Selon les députés de la majorité, le président de la République, élu sur cette réforme, ne fait qu’appliquer son programme. Durant la campagne présidentielle 2022, le président-candidat assumait effectivement de vouloir repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Mais durant sa campagne de second tour, pour s’attirer les électeurs de gauche face à Le Pen au nom du front républicain, il a infléchi son discours, parlant d’une retraite à 64 ans.

Le chiffre importe finalement peu : bien loin d’être convaincus, c’est pour empêcher Marine Le Pen d’accéder au pouvoir que ceux qui ne lui ont pas donné leur suffrage au premier tour l’ont fait au second, tandis que l’abstention atteignait des records.

Les Français ont d’ailleurs tellement plébiscité le programme présidentiel qu’ils ont été près des deux tiers à souhaiter qu’il n’ait pas de majorité parlementaire pour l’appliquer. Résultat : en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, c’est par une utilisation excessive, voire abusive, du 49-3 qu’il faut gouverner. Impossible de plus de parler de légitimité démocratique à imposer un report de l’âge de départ à la retraite que seuls… 11% des Français sondés souhaitent, selon les dernières études d’opinion ! La légitimité est ici du côté des salariés, qui ont toutes les raisons de refuser cette réforme et de manifester pour faire entendre ce refus. Il faut également préciser que le candidat Macron promettait la retraite à 65 ans lors de la campagne 2022, l’allongement de la durée de cotisation ne faisait pas partie du lot.

Pour finir, en 2019, l'ambition initiale du gouvernement était bien plus importante puisqu'il s'agissait de mettre en place un nouveau système privilégiant la capitalisation et pas seulement d'agir sur un paramètre ou deux, comme cela a déjà été le cas lors des précédentes réformes des retraites. L'autre grande orientation de la réforme de 2019 visait à bâtir un régime universel pour tous les travailleurs en supprimant les régimes spéciaux qui, cette fois-ci, sont sauvés. Mais il ne faut pas s’y tromper : la réforme 2023 reste un nouveau coup de boutoir dans notre édifice social avec l’objectif à peine masqué de le mettre à terre. Pour FO, il n’y a pas d’autre choix que de s’y opposer.

Des mesures seront prises pour favoriser l’emploi des seniors : faux !

Le gouvernement entend obliger les grandes entreprises à publier un index pour déterminer le sort réservé à leurs salariés seniors. Un indicateur « simple et public pour identifier les bonnes pratiques et dénoncer les mauvaises » a-t-il été précisé. Cette technique d’inspiration anglo-saxonne dite du « name and shame » (nommer et blâmer) joue sur la moralité. En exposant publiquement bons et mauvais élèves, elle suppose que l’impact sur la réputation des entreprises les incitera à corriger leurs pratiques.

Pas question ici de légiférer, et encore moins de sanctionner. Bref, pas de quoi faire peur aux entreprises, et certainement pas de quoi rassurer les seniors. De plus, à 60 ans, de nombreux salariés sont déjà physiquement inaptes à l’emploi qui constitue leur fin de carrière et un allongement de cette dernière les contraindra à occuper des postes inadaptés, à être au mieux placardisés, sinon mis à la porte.

La réforme favorise les petites retraites : non !

Avec le système actuel, plus d’un tiers des retraités touchent moins de 1 000 euros par mois, ce qui n’est pas acceptable. La promesse gouvernementale d’une pension minimale de 1200 euros semble donc alléchante. Mais il faut en premier lieu compter en brut, ce qui promet une pension moindre en net, à peine au-dessus du seuil de pauvreté en France en 2022 (1 102 euros pour une personne seule).

De plus, pour bénéficier de cette mesure, le faible montant de la pension ne sera pas suffisant, il faudra avoir une carrière complète au Smic, donc avoir l'âge du taux plein (le nombre de trimestres nécessaire et l'âge légal).

Sans carrière complète, pas de pension minimale. Pour un salarié qui a commencé à travailler tard, il est probable qu'après la réforme, il faudra continuer à travailler après 64 ans pour toucher la pension minimale. Or, parmi celles et ceux qui touchent moins de 1 000 euros par mois aujourd’hui, la moitié environ n’a pas eu une carrière complète et n’est pas concernée par le dispositif. En particulier, beaucoup de femmes ou d’agriculteurs, qui ont eu des revenus faibles et variables au cours de leur carrière, seront exclus de la mesure.

Le gouvernement souhaite que les actuels retraités puissent y accéder, mais la mesure n'est pas encore dans le projet de loi et pas financée par la réforme présentée. Il va donc falloir ouvrir de "nouvelles concertations" avec les organisations politiques et syndicales pour trouver le financement adéquat d'une mesure qui globalement coûterait près de 3 milliards d'euros.

En outre, le rapport du COR mentionne que derrière la diminution des dépenses globales se cache une baisse du niveau des pensions de retraite, notamment du fait que les droits et pensions ne sont plus indexés sur les salaires mais sur l’inflation.

Cette réforme a été négociée avec les partenaires sociaux : faux !

Lors des concertations menées à l’automne, non seulement FO a exprimé son opposition à tout recul de l’âge légal de départ en retraite ou d’allongement de la cotisation, mais notre organisation a également fait connaître ses propositions en matière d’emploi des seniors ou d’augmentation des recettes du régime.

Le Gouvernement n’a jamais fait de retour sur les différents documents présentés. La concertation s’est donc faite sans réel débat, ni réelle prise en compte des demandes des interlocuteurs. Le monologue soi-disant social ne peut tenir lieu de négociation, surtout quand cette dernière est exclusivement consacrée à la recherche d’alliés politiques à l’Assemblée nationale. A croire que pour négocier en France des sujets engageant l’avenir du pays comme celui des retraites, se mettre autour d’une table et dialoguer raisonnablement entre acteurs du débat public, il faudrait être dans la clandestinité et réunir le Conseil national de la résistance pour préparer véritablement la société de l’après-guerre.

Le président de la République réélu avait promis de cesser sa pratique verticale du pouvoir et de revaloriser les corps intermédiaires pour, à travers eux, renouer le dialogue avec les Français. Paroles, paroles, paroles… Le résultat ? Il est dans la rue.

Les retraités français sont des privilégiés : non !

Nantis les retraités français ? Un coup d’œil sur la situation de leurs homologues européens suffit à démentir l’affirmation. Les Français sont parmi les Européens qui quittent le plus tôt le marché du travail, selon les données de la Commission européenne. Cependant, l'âge légal de départ en retraite ne garantit toutefois pas une retraite pleine et sans décote. L’actuelle projet de réforme prévoit de le reporter de 62 à 64 ans.

En comparaison, il s'établit à 67 ans en Allemagne, en Italie, au Danemark et bientôt en Espagne, à 66 ans au Royaume-Uni. Mais l'âge légal ne suffit pas à comparer la situation réelle d'un pays à l'autre, car les systèmes de retraite sont différents et la notion même d'âge légal varie beaucoup. Ce seuil est par ailleurs souvent assorti d'exceptions permettant de partir plus tôt, notamment pour les personnes ayant commencé à travailler très jeune.

D'autres indicateurs permettent une meilleure comparaison entre pays, comme l'âge de départ à la retraite réellement constaté : en moyenne, les habitants de l'UE prennent leur retraite à 63,8 ans. En Italie, un âge légal à 67 ans et des départs à 62 ans, alors que la France est dans la moyenne européenne. Les pensions varient énormément d’un pays à l’autre. Selon les données de l’OCDE, parmi l’Europe des 27, c’est au Danemark que le taux de remplacement (le revenu versé en remplacement du salaire) est le plus élevé : 80 % du salaire brut en 2020. Suivent le Luxembourg (76,6 %), le Portugal (75 %), l’Italie, l’Autriche et l’Espagne (74 %).

En France, il n’est que de 60 %. Pour profiter de sa retraite, encore faut-il être en bonne santé afin d’en profiter. D’après les données Eurostat de 2019, c’est en Suède que l’espérance de vie en bonne santé est la plus élevée (74 ans pour les hommes et 73 ans pour les femmes). En Espagne, elle s’élève à 69 ans pour les hommes et à 70 ans pour les femmes, en Irlande à 69 ans pour les hommes et à 70 ans pour les femmes.

La France se situe légèrement en dessous de la moyenne des pays de l’Union européenne : 63,7 ans pour les hommes et 64,6 ans pour les femmes. L’Islande, les Pays-Bas et le Danemark sont en tête du palmarès établi par le Mercer CFA Institute Global Pension Index (MCGPI), un classement international, publié tous les ans depuis 2009, et qui mesure à la fois le niveau de vie des retraités, la viabilité du système de retraite, (c’est-à-dire l’équilibre financier à long terme), et la lisibilité de son fonctionnement pour les citoyens. Dans ce classement, qui compare 44 pays, la France n’arrive qu’en milieu de tableau, en 22e place…

D’une réforme à l’autre

Toujours présentées comme une source de progrès et de justice sociale, les réformes des retraites qui se succèdent à un rythme toujours plus soutenu sont au contraire l’occasion de reculs d’importance, dont les retraités sont souvent les premiers à payer le prix. Un rapide voyage dans le temps suffit à le constater. En 1981, les pouvoirs publics fixent l’âge de départ en retraite à 60 ans. L'ordonnance du 26 mars 1982 généralise la possibilité de bénéficier de la retraite à taux plein à 60 ans (au lieu de 65 ans) pour les hommes et les femmes comptant 150 trimestres validés, soit 37,5 années, tous régimes confondus.

Ce n’est que qu’à partir des années 1990 que la réforme des retraites devient une mauvaise manière récurrente faite aux salariés. Le gouvernement Rocard sort en 1991 un « Livre blanc sur les retraites » qui ressemble à une mise en garde sur la situation de l’ensemble des régimes de retraite et leurs perspectives d’évolution. Sur un ton assez technique, il se penche sur la question du vieillissement démographique et son impact sur les régimes, ébauchant des pistes de réformes, mais sans déboucher sur des mesures contraignantes.

Les choses sérieuses commencent avec la réforme Balladur en 1993. Elle impose –pour le privé seulement– un allongement de la durée de cotisation, qui passera progressivement en dix ans (à raison d’un trimestre supplémentaire par an) de 150 à 160 trimestres. S’y ajoute une forte augmentation de la durée de carrière de référence : la pension ne sera plus calculée sur les 10 meilleures années, mais sur 25 années. Enfin, les retraites seront désormais réévaluées en fonction de l’inflation et non plus de l’évolution des salaires.

Conséquence : une baisse des retraites qui sera chiffrée en moyenne à 6%. Le volet retraites du plan Juppé de 1995 est repoussé dans la rue. Les velléités du gouvernement Jospin en la matière restent lettre morte. C’est donc en 2003 qu’une nouvelle réforme est imposée par le gouvernement Raffarin. La principale mesure est l’alignement de la durée de cotisation du public sur celle du privé, soit 40 ans. C’est également de cette réforme que datent deux dispositifs d’épargne : le plan d’épargne de retraite populaire (PERP) et le Plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO).

En 2010, rebelote : la réforme des retraites est à nouveau « nécessaire » et menée au pas de charge par le gouvernement Fillon. L’âge légal de départ en retraite recule progressivement de 60 à 62 ans. Concernant la durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite à taux plein, qui aura atteint 41 ans en 2012, le gouvernement souhaite qu’elle soit portée à 41 ans et trois mois à partir de 2013.

La barre des 65 ans, qui correspond à l’âge auquel une pension de retraite à taux plein est garantie, sera également repoussée de deux ans, à 67 ans. En 2014, c’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui lance une nouvelle réforme, qui prévoit l’allongement de la durée d’assurance minimale pour prétendre à une retraite à taux plein, passant progressivement de 166 trimestres à 172 trimestres pour les assurés nés entre 1958 et 1972. La durée de cotisation passe donc à 43 ans pour les générations nés après 1973.

Néanmoins, FO obtient des avancées importantes, comme l’augmentation des cotisations employeurs et des actifs à raison de 0,3%, l’instauration de la pénibilité en 2015, la validation des trimestres travaillés pour les apprentis, la validation des trimestres pour les périodes d’interruption liées au congé de maternité, la baisse du taux d’incapacité de 80 à 50% pour les travailleurs handicapés, le passage de 200 heures de SMIC à 150 heures comme seuil de déclenchement pour valider des droits à la retraite.

En 2019, c’est le projet Macron d’instauration d’un système universel par points, mais aussi la tentative de privilégier un système par capitalisation, que les Français, guidés par les organisations syndicales, parviennent à repousser de justesse avec le déclenchement de la crise sanitaire.

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