Le jeudi 31 mai 2012 s’est tenue la Journée du master juristes de Droit social à l’université de la Sorbonne à laquelle le service juridique de la Fédération a participé. Le thème retenu cette année fut « Théories et pratiques de l’égalité de traitement ».
Le jeudi 31 mai 2012 s’est tenue la Journée du master juristes de Droit social à l’université de la Sorbonne à laquelle le service juridique de la Fédération a participé. Le thème retenu cette année fut « Théories et pratiques de l’égalité de traitement ». Plusieurs invités de marque étaient présents, notamment M. Hervé GOSSELIN, conseiller à la Cour de cassation, M. Jean-François AKANDJI-KOMBE, professeur à l’université Paris I et Mme Véronique LOPEZ-RIVOIRE, responsable du service juridique de la confédération FO.
M. AKANDJI-KOMBE a commencé par exposer les concepts et sources de l’égalité de traitement, notion qu’il ne faut pas confondre avec l’obligation de non-discrimination même si, dans les faits, ces deux notions sont intimement liées. Il s’agit justement bien là de deux notions différentes, et non pas de concepts différents.
Les sources de la notion sont multiples. On les retrouve autant en droit interne qu’en droit international. Malheureusement, cette multitude complique la situation. Aucune unité n’existe.
L’égalité des citoyens est garantie de manière générale à l’article 1 de la Constitution française : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. ». Il faut attendre ensuite l’arrêt Ponsolle (Cass. soc. 29/10/96, n°92-43.680) pour que le principe « à travail égal, salaire égal » soit enfin proclamé. Au niveau européen, l’égalité de traitement se retrouve à l’article 157-1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne : article relatif à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. De nombreuses directives sont venues compléter cette base (égalité des chances, droit au travail…). Mais encore une fois on retrouve un va et vient permanent entre les deux notions : l’égalité de traitement et le principe de non-discrimination.
Malgré cela, toute différence de traitement n’emporte pas violation du principe de non-discrimination. En effet, si la différence de traitement est fondée sur une justification objective et raisonnable et si la mesure est adaptée et proportionnée au but recherché, elle peut être légitime.
Pour Hervé Gosselin, la distinction entre les deux notions est de moins en moins opérante aujourd’hui à la chambre sociale de la Cour de cassation. La notion de discrimination est indispensable car les textes européens admettent de plus en plus les discriminations. En pratique, ce qui compte n’est pas de savoir si le motif est prohibé ou non, mais si l’employeur est en mesure de la justifier ou non. Même si les textes et les jurisprudences sont différents autour de ces deux notions, l’harmonisation s’opère surtout aux niveaux des régimes probatoires. Ce qui compte avant tout pour la chambre sociale c’est l’exigence de transparence et la justification qu’éventuellement l’employeur peut venir apporter. Est-ce normal que je sois traité différemment alors que je fais le même travail que lui ? C’est la question à laquelle devra répondre l’employeur assigné devant le tribunal. Il lui appartient de le justifier en apporter des éléments objectifs expliquant la différence de traitement.
Dans l’arrêt Pain (Cass. soc. 20/02/08, n°05-45.601), les juges de la Cour ont décidé que la différence de catégorie professionnelle ou la différence de statut ne justifie pas, en soit, la différence de traitement. La qualification de cadre ne justifie pas l’octroi d’un avantage différent. Est-ce que le fait d’être cadre justifie l’octroi d’un jour de congé supplémentaire ? Le juge doit vérifier si cela est bien lié à l’exercice même de la fonction. De grandes questions ne sont toujours pas résolues. Est-ce que la différence concernant le mode de calcul de l’indemnité de licenciement se justifie ? Et pour le préavis, quelle explication peut-on donner ? Et la couverture maladie ?
Le contentieux principal en ce moment est relatif à la convention collective « Bureaux d’études techniques » ou plus communément appelée SYNTEC, récemment mise en cause par certaines organisations syndicales de la branche, non signataires de la convention. Quels seront les sanctions ? Est-ce que le juge doit avoir à l’esprit l’idée qu’un accord ne peut être remis en cause ? Un accord collectif ce n’est pas l’affrontement d’un avantage contre un autre, c’est un équilibre ! Dans la négociation, les parties peuvent être amenées à accepter une mesure en échange d’une autre et tout cela ne relève aucunement du champ d’intervention du juge. Il ne faut pas mettre en péril l’équilibre des accords : l’accord c’est un tout, qui ne peut être envisagé bout par bout. Les avantages liés à l’exercice de fonctions trouveront justification, M. GOSSELIN ne s’en inquiète pas, mais les avantages qui ne se référent à rien, eux, vont poser problème. Les fonctions ont évolué aujourd’hui, notamment le statut cadre. C’est pour ça qu’une adaptation est nécessaire.
Véronique LOPEZ-RIVOIRE vient compléter cet exposé en précisant qu’il ne faut pas que le juge s’immisce dans les négociations. Elle précise que les classifications professionnelles, datant de l’après guerre, rendent mal aisée la classification cadre / non-cadre. La plupart des distinctions professionnelles ne sont plus adaptées donc justifier la différence de traitement là-dessus n’est pas possible. Le problème est : si l’on ne justifie pas en fonction de la catégorie, sur quoi peut-on justifier ?
Pour FO Métaux, il ne faut pas laisser au juge la possibilité de s’immiscer dans les équilibres des accords. Le juge ne peut prendre la place des partenaires à la négociation et intervenir dans le champ de la négociation collective. Un accord ou une convention collective, c’est un tout, un équilibre, qu’il ne faut pas mettre en péril.