Fédération FO de la Métallurgie

L’efficacité réformiste

Dossier/Evénement

L'ENVERS DE L'AVION VERT

Dans l’aéronautique aussi, l’heure est au positionnement sur le créneau de l’hydrogène, tant pour son absence de rejet polluant que pour son efficience énergétique. Le premier vol piloté d'un avion électrique alimenté à l'hydrogène a eu lieu en 2008. Depuis cette initiative de Boeing, seul le HY4, un quadriplace qui a volé en 2016, s’est fait remarquer. Pourtant, l’idée de faire voler des avions de ligne à l'hydrogène est à l'étude depuis une dizaine d'années chez les constructeurs d'avions.

Un consortium trvaillent depuis le début de l'année sur l'avion à hydrogène

Airbus, Safran, leur co-entreprise Arianegroup, et l'Onera, réunis en consortium, planchent depuis le début de l'année sur ce projet. Le choix et la maturation des technologies prendront cinq ans, puis deux pour celui des fournisseurs et sites industriels, selon le patron d’Airbus Guillaume Faury. Soit une mise en programme prévue aux environs de 2028 et la mise en service d’un tel appareil en 2035, permettant à l’avionneur de se « positionner comme chef de file dans la décarbonation de l'industrie aéronautique ». Airbus prévoit également de créer une joint-venture avec l’équipementier allemand ErlingKlinger pour développer piles à combustibles pour des applications dans l’aviation. L’avionneur européen a aussi révélé le 21 septembre trois concepts d’avions à propulsion hydrogène. Toutefois, comme pour l’automobile, les défis techniques à relever laissent présager d’un avenir incertain…

L’idée générale sur laquelle travaillent les équipes pour le moment est l’injection d’hydrogène dans les turbines d’un avion pour y brûler en lieu et place du kérosène. Techniquement, l’hydrogène présente les mêmes performances que le kérosène, mais il a aussi le défaut d’occuper un volume quatre fois supérieur. Côté moteur, pas d’obstacle majeur, juste des adaptations, notamment pour la circulation de fluides à des températures différentes. L’expérience du secteur spatial, avec Ariane, pourrait être ici précieuse. Néanmoins, le futur appareil devra être équipés de réservoirs cryogéniques, l’hydrogène liquide devant être réfrigéré à -250°C et sous haute pression. Pour résister à cette pression, il faudra blinder l'intégralité du réseau de distribution, ce qui alourdit encore l'avion, et opter pour des réservoirs cryogéniques cylindriques ou sphériques, impossibles donc à loger partout, notamment dans les ailes. Les réservoirs actuels ne sont pas adaptés pour embarquer de l'hydrogène, leur taille et leur forme sont à revoir tout comme leur nombre et leur position dans l'avion. L'architecture des avions sera à repenser complètement car, plus que les moteurs, les réservoirs d'hydrogène sont le principal verrou technologique sur le chemin de l’avion vert.

Quels usages pour l’avion à hydrogène ?

Parmi les projets présentés par Airbus, l’autonomie ne dépasserait pas 3 500 kilomètres pour ce qui serait l’équivalent d’un A320, capable de transporter de 120 à 200 passagers, et 1 800 km pour un avion régional turbopropulseur (à hélices) pouvant embarquer jusqu'à 100 passagers. Autrement dit, loin des vols transatlantiques. Au sol, il faudra transporter de l'hydrogène refroidi à haute pression jusqu'aux avions, et disposer de stations de recharge. Pour être vraiment vert, pas question d'importer comme aujourd'hui du carburant produit à des milliers de kilomètres jusqu'aux aéroports. Il sera nécessaire de mettre en place une véritable filière à hydrogène décentralisée, et pour cela adapter les aéroports au prix de lourds investissements d’infrastructures. Reste enfin la question du coût. Selon les calculs du projet européen Clean Sky, l'avion à hydrogène sera 25 % plus cher en 2035 par rapport à un avion classique, en prenant en compte les coûts de maintenance et d'amortissement. Si un avion volant à l'hydrogène, transportant environ 250 personnes, paraît envisageable à cette échéance, les avions de ligne conventionnels mettront probablement des décennies à être remplacés. Les premiers avions à hydrogène risquent de ne pas être bon marché et c’est sans doute davantage l’écologie et le confort qui feront ou non son succès, bien plus que le prix des billets. Ce qui pose d’ailleurs la question du modèle économique souhaité pour ce type d'avion. Avec un pétrole peu onéreux et qui pourrait durablement le rester, l'hydrogène s'annonce comme un combustible assez cher à fabriquer, notamment du fait que toutes les étapes de sa production devront être décarbonées s’il veut être réellement vert…

Retour