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ACTUALITE JURIDIQUE - Selon la Cour de Justice de l'Union européenne, le salarié qui tombe malade durant ses congés peut les prendre ultérieurement

Le salarié qui tombe malade durant ses congés peut les prendre ultérieurement (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11).

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment rendu un arrêt qui devrait mener à une évolution de la jurisprudence française en matière de congés payés.

En l’espèce, des syndicats de travailleurs espagnols ont formé un recours pour faire reconnaître le droit au report du congé annuel payé des salariés qui tombent malades pendant cette période. La fédération patronale estime que les salariés en arrêt maladie avant le début d’une période de congé fixée au préalable, ou au cours de cette période, n’ont pas le droit de bénéficier de leur congé après la fin de la maladie. Pour rappel, en France, le salarié malade avant son départ en congé a la possibilité de le prendre ultérieurement. En revanche, le salarié qui tombe malade durant son congé ne peut le reporter.

L’affaire est portée devant le Tribunal Suprême espagnol qui pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Il est demandé à la CJUE d’interpréter l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. La question posée est la suivante : la directive 2003/88 s’oppose-t-elle à la réglementation nationale empêchant les travailleurs en incapacité de travail survenue avant ou pendant les congés payés annuels de prendre leurs congés ultérieurement ?

La Cour affirme qu’une disposition nationale ne peut interdire aux salariés dont l’incapacité de travail survient durant leurs congés de reporter ceux-ci. Selon les juges, il ne peut être dérogé à l’article 7 de la directive en question qui dispose que « les états membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ».

La CJUE réaffirme ainsi le droit au congé annuel payé reconnu, selon une jurisprudence constante, en tant que « principe du droit social de l’Union ». Elle rappelle, en outre, que ce droit est garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (art.31, paragraphe 2), dotée de la même valeur juridique que les traités, c’est à dire une valeur contraignante pour les Etats membres. Pour justifier sa décision, la Cour s’appuie également sur l’objet des congés payés, période de repos et de loisir, qui diffère de la finalité du congé maladie, qui est le rétablissement du salarié. En s’appuyant sur cet argument, la CJUE avait déjà admis la possibilité de report du congé à une autre période pour un salarié en arrêt maladie avant sa période de congés annuels fixée par l’entreprise (CJUE, 10 septembre 2009, aff. C-277/08). Dans l’arrêt du 21 juin 2012, elle précise que, pour le droit au report du congé, peu importe le moment auquel survient la maladie (avant ou pendant les congés du salarié). Ainsi, le report est possible même si le salarié tombe malade durant son congé.

Contrairement à la CJUE, la Cour de cassation opère toujours la distinction selon la période à laquelle le salarié tombe malade. Si le salarié a été en arrêt maladie avant de pouvoir prendre ses congés, il peut demander le report des congés acquis et ce, même si la période de prise des congés est expirée. Cela a tout d’abord été admis pour la maladie d’origine professionnelle et l’accident du travail (Cass. soc., 27 sept. 2007, no 05-42.293) puis pour la maladie d’origine non professionnelle (Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44488). En revanche, la Cour de cassation estime pour le moment que lorsque le salarié tombe malade durant ses congés, l’employeur n’a pas l’obligation de les prolonger ni de les reporter. Elle considère en effet que l’employeur s’est acquitté de ses obligations d’accorder des congés payés et que les incidents qui surviennent durant le congé ne modifient pas l’étendue de cette obligation (Cass. Soc., 4 décembre 1996, n°93-44907). Suite à la décision de la CJUE, la jurisprudence française va donc très certainement devoir évoluer.

Extraits de l’arrêt :

« 19. Il est constant, en outre, que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (voir arrêt du 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08, Rec. p. I-8405, point 21).

20. Ainsi, la Cour a déjà jugé qu’il découle notamment de la finalité du droit au congé annuel payé qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie (voir arrêt Vicente Pereda, précité, point 22).

21. Il découle de la jurisprudence susmentionnée, qui concerne un travailleur en situation d’incapacité de travail avant le début d’une période de congé annuel payé, que le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence. Par conséquent, le travailleur a le droit de prendre son congé annuel payé coïncidant avec une période de congé de maladie à une époque ultérieure, et ce indépendamment du moment auquel cette incapacité de travail est survenue.

22. Il serait, en effet, aléatoire et contraire à la finalité du droit au congé annuel payé, précisée au point 19 du présent arrêt, d’accorder ledit droit au travailleur uniquement à la condition que ce dernier soit déjà en situation d’incapacité de travail lorsque la période de congé annuel payé a débuté.

23. Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que la nouvelle période de congé annuel, qui correspond à la durée du chevauchement entre la période de congé annuel initialement fixée et le congé de maladie, dont le travailleur est en droit de bénéficier après son rétablissement, peut être fixée , le cas échéant, en dehors de la période de référence correspondante pour le congé annuel (voir, en ce sens, arrêt Vicente Pereda, point 23 et dispositif).

24. Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail ».

[Lire l'arrêt](<../content/cms_medias/pdf/ARRT DE LA COUR.pdf>).

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