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Dossier/Evénement

ACTUALITE JURIDIQUE - L’employeur doit être informé du mandat détenu par un salarié à l’extérieur de l’entreprise

Au titre de l’article L.2411-1 du Code du travail, une protection contre le licenciement est accordée aux salariés bénéficiant d’un mandat de représentation du personnel (délégués du personnel, élus au CE, au CHSCT, …) ou un mandat syndical.

L’employeur doit être informé du mandat détenu par un salarié à l’extérieur de l’entreprise [(Cons. Const., 14 mai 2012, n°2012-242, QPC, JO 15 mai, p.9096](<../content/cms_medias/pdf/Conseil constitutionnel 2012-242.pdf>)).

Au titre de l’article L.2411-1 du Code du travail, une protection contre le licenciement est accordée aux salariés bénéficiant d’un mandat de représentation du personnel (délégués du personnel, élus au CE, au CHSCT, …) ou un mandat syndical. Cette protection concerne aussi les salariés exerçant un mandat extérieur à l’entreprise, tels que les membres du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale ou encore les conseillers prud’homaux. Le Conseil Constitutionnel vient de confirmer la légitimité de ces dispositions en soulignant toutefois la nécessité d’informer l’employeur de l’existence de tels mandats, ce qui n’était jusqu’alors pas imposé par la loi.

Dans l’affaire en référence, la question concernait tout particulièrement le mandat d’administrateur d’une caisse de sécurité sociale. Les salariés bénéficiant de ce type de mandat sont protégés contre le licenciement, conformément aux dispositions de l’article L.2411-1, 13° du code du travail. L’article L.2411-18 du code du travail prévoit d’ailleurs, pour les salariés détenant ce mandat, la même procédure d’autorisation de licenciement et les mêmes durées de protection que pour les délégués syndicaux (procédure prévue à l’article L.2411-3 C.Trav.). En l’espèce, une association fait valoir la non conformité des articles L.2411-1, L.2411-3 et L.2411-18 au principe de liberté, dont la liberté d’entreprendre, ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi. Elle souligne que ces dispositions confèrent aux salariés administrateurs ou membres du conseil d’une caisse de sécurité sociale une protection contre le licenciement, obligeant l’employeur à demander une autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail, alors même que ces salariés n’ont pas informé leur employeur de l’exercice de ce mandat. En effet, si l’employeur a connaissance des mandats internes à l’entreprise, il peut parfois ignorer que les salariés exercent des mandats extérieurs à celle-ci, puisqu’il n’existe aucune obligation légale d’information de la part du salarié. L’employeur qui licencie le salarié sans autorisation administrative peut donc voir le licenciement annulé et se trouver sanctionné, notamment pénalement, même s’il n’avait pas connaissance de l’existence du mandat et de l’applicabilité du statut protecteur, faute d’information.
Pour contester la conformité de ces dispositions, l’association dépose une question prioritaire de constitutionnalité devant la Cour de cassation, qui en décide le renvoi devant le Conseil Constitutionnel. Pour rappel, la question prioritaire de constitutionnalité permet à toute personne partie à une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. La question doit être posée à la juridiction devant laquelle le litige est en cours. Si la juridiction saisie estime que la question est recevable, elle la transmet ensuite au Conseil Constitutionnel.

La question était la suivante : Les dispositions des articles L. 2411-1, L. 2411-18 et L. 2411-3 du code du travail respectent-elles les principes constitutionnels de liberté et d'égalité garantis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ?.

Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions conformes à la Constitution, en émettant toutefois une réserve.
Tout d’abord, il estime que les dispositions du code du travail, qui soumettent l’employeur à l’obligation de respecter la procédure applicable aux salariés protégés en matière de licenciement pour les salariés siégeant au sein d’un organisme de sécurité sociale, sont légitimes. Ainsi, elles ne constituent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, ni à la liberté contractuelle, garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le législateur peut en effet apporter des restrictions à ces libertés, dès lors que celles-ci se justifient par les exigences constitutionnelles et l’intérêt général et qu’elles sont proportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Or, la protection accordée par le législateur aux salariés membres du conseil ou d'administrateur d'une caisse de sécurité sociale se justifie par le souci de préserver leur indépendance dans l’exercice de leur mandat, ce qui constitue un objectif d’intérêt général.
Le Conseil Constitutionnel rappelle ensuite les sanctions encourues lorsque l’employeur ne respecte pas les règles relatives au statut protecteur. Ainsi, le licenciement prononcé sans autorisation de l’inspecteur du travail sera nul, le salarié pourra alors demander sa réintégration. Il pourra de plus prétendre à une indemnité compensatrice des salaires perdus entre le licenciement et la réintégration ainsi qu’à une indemnisation correspondant au préjudice subi du fait du licenciement. Précisons que s’il ne souhaite pas être réintégré, le salarié pourra demander d’une part, une indemnisation égale à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à la fin de la période de protection, d’autre part, une indemnité d’au moins six mois de salaire, s’ajoutant à l’indemnité de rupture. L’employeur s’expose, en outre, à des sanctions pénales prévues à l’article L.2431-1 du code du travail (un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende). L’association à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité soulignait la lourdeur de ces sanctions pour un employeur qui n’était pas informé de l’applicabilité du statut protecteur au salarié licencié.

Bien qu’ils reconnaissent la conformité des dispositions en question à la Constitution, les juges émettent néanmoins une réserve importante. Ils estiment en effet que le salarié ne peut se prévaloir de la protection afférente au mandat qu’à la condition d’avoir informé l’employeur de l’existence de ce mandat. Si l’obligation de respecter la procédure de licenciement applicable aux salariés protégés est légitime, l’absence d’information de l’employeur constituerait en revanche une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre. D’après les juges, l’information de l’employeur quant à l’existence du mandat devra se faire au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement. Ce qui signifie que le salarié ne peut invoquer la protection contre le licenciement, par exemple pour en obtenir l’annulation ou réparation, s’il n’a pas informé avant cette date l’employeur de l’existence de ce mandat.

Dorénavant, le salarié devra donc informer son employeur de l’existence de son mandat extérieur à l’entreprise. A défaut, il ne pourra plus se prévaloir de la protection conférée par ce mandat pour contester son licenciement. L’employeur n’encourra pas non plus les sanctions pénales s’il est établi qu’il n’avait pas été informé de l’existence du statut protecteur. Le conseil constitutionnel entend ainsi protéger les employeurs qui, de bonne foi, ne font pas application de la procédure de licenciement spécifique dont bénéficient les salariés sous statut protecteur, tout simplement parce qu’ils n’ont pas connaissance du mandat exercé par le salarié à l’extérieur de l’entreprise. Soulignons toutefois que cette décision a été rendue à propos du mandat de membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale (13° de l’article L.2411-1C.Trav.). On peut pourtant se poser la question de savoir si elle s’applique aux autres mandats exercés à l’extérieur de l’entreprise (énumérés par l’article L.2411-1), tels que ceux de conseiller prud’homal, conseiller du salarié, représentant des salariés dans une chambre d’agriculture… Dans quelle mesure la décision du Conseil Constitutionnel sera-t-elle reprise par la Cour de Cassation ? Sera-t-elle étendue à tous les mandats extérieurs ? Les juges devront encore apporter des précisions sur l’obligation d’information, son étendue et ses sanctions.

Extraits de la décision :
« Considérant que, selon l'association requérante, en conférant aux salariés exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de sécurité sociale une protection contre le licenciement sans que ces salariés soient tenus d'en informer leur employeur, ces dispositions portent aux droits des employeurs une atteinte qui méconnaît tant la liberté que le principe d'égalité devant la loi ;

5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que sur ses articles L. 2411-3 et L. 2411-18 ;

6. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

7. Considérant que les dispositions contestées prévoient que les salariés exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de sécurité sociale ne peuvent être licenciés qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'en accordant une telle protection à ces salariés, le législateur a entendu préserver leur indépendance dans l'exercice de leur mandat ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; qu'en subordonnant la validité du licenciement de ces salariés à l'autorisation de l'inspecteur du travail, les dispositions contestées n'ont porté une atteinte disproportionnée ni à la liberté d'entreprendre ni à la liberté contractuelle ;

8. Considérant que, si les dispositions du titre III du livre IV de la deuxième partie du code du travail prévoient des incriminations réprimant de peines délictuelles le fait de licencier un salarié protégé en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative du licenciement, ces dispositions n'ont pas pour effet de déroger au principe, prévu par l'article 121-3 du code pénal, selon lequel il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; que, par suite, les dispositions contestées n'exposent pas l'employeur à des sanctions pénales réprimant la méconnaissance d'obligations auxquelles il pourrait ignorer être soumis ;

9. Considérant qu'en outre, le licenciement d'un salarié protégé en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative est nul de plein droit ; qu'un tel licenciement expose l'employeur à l'obligation de devoir réintégrer le salarié et à lui verser des indemnités en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement irrégulier ;

10. Considérant que la protection assurée au salarié par les dispositions contestées découle de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise ; que, par suite, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d'une telle protection dès lors qu'il est établi qu'il n'en a pas informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; que, sous cette réserve, le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail et les articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code ne sont pas contraires à la liberté d'entreprendre ;

11. Considérant qu'enfin, les dispositions contestées, qui ne soumettent pas à des règles différentes des personnes placées dans une situation identique, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi ;

12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 10,
D É C I D E :

Article 1er.- Le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que les articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code sont conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 10.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée »

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